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L'Assemblée du Dieu vivant
A. Gibert

“Gardant la vérité dans l’amour” (Éphésiens 4. 15)

La vie de l’assemblée ne se restreint pas aux réunions, bien que ce soit là, et par-dessus tout à la table du Seigneur, qu’elle se manifeste. Mais en réalité son fonctionnement embrasse toute la vie chrétienne de tous les croyants. Que l’on s’en rende compte ou non, tous les détails de la vie spirituelle de chacun d’entre eux retentissent sur l’ensemble du corps, et inversement. La très grande dispersion des enfants de Dieu à l’heure actuelle et la confusion générale entre monde et chrétienté nous sont rendues plus pénibles et plus humiliantes par cette seule pensée. Il est devenu presque impossible, depuis longtemps, de réaliser cette solidarité vitale avec tous autrement qu’en pensée, par la prière, et lorsque nous proclamons le “seul corps” en prenant la cène. Certes, nous sommes heureux de goûter l’amour chrétien avec tous ceux que nous pouvons rencontrer et identifier comme des chrétiens authentiques. Cependant la pratique des rapports fraternels, si bénie et si réjouissante qu’elle pourrait être, se trouve, hélas, limitée par l’impossibilité de suivre le même chemin que d’autres, lorsque ce chemin s’écarte de la vérité ; allons du moins aussi loin que nous pouvons marcher ensemble “dans le même sentier”.

Si nous avions à cœur les intérêts de Christ dans l’Assemblée, et si la sollicitude pour “toutes les assemblées” nous préoccupait comme elle assiégeait tous les jours l’apôtre Paul (2 Corinthiens 11. 28), nous aurions plus souvent à la bouche les exclamations affligées du prophète Jérémie : “Comment l’or est-il devenu obscur, et l’or fin a-t-il été changé ! Comment les pierres du lieu saint sont-elles répandues au coin de toutes les rues !” (Lamentations de Jérémie 4. 1). Mais en même temps nous éprouverions une plus ardente reconnaissance envers Dieu dont les bontés font que “nous ne sommes pas consumés” (Lamentations de Jérémie 3. 22), et envers Celui qui a doté le faible témoignage de Philadelphie des promesses les plus fermes. Ne cessons pas de lui demander la grâce de figurer dans les rangs de ces témoins.

Ceux que la grâce de Dieu a voulu réunir, en témoignage à la valeur permanente du nom de Jésus pour rassembler, ont à veiller pour que les droits du Seigneur soient maintenus dans cette sphère comme ils devraient l’être partout dans l’Église. On pourrait dire qu’ils ont à se conduire comme s’ils étaient l’Église entière.

Cela demande l’activité continuelle de l’amour dans la vérité. Quel témoignage serait rendu, et combien les âmes sincères seraient affermies, si tous les rapports entre nous étaient marqués de cette double influence ! “Poursuivez la paix avec tous, et la sainteté… veillant, de peur que quelqu’un ne manque de la grâce de Dieu” (Hébreux 12. 14, 15). Que de fois la Parole de Dieu nous invite à nous exhorter mutuellement, comme à nous supporter et à nous secourir, et à nous consoler l’un l’autre ! Tout l’enseignement pratique du Nouveau Testament est là, étroitement lié à la doctrine qui nous est donnée elle-même pour que “nous parvenions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature de la plénitude du Christ” (Éphésiens 4. 13). C’est précisément en rapport avec l’assemblée que nous trouvons les exhortations pratiques des épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens qui, plus que d’autres, embrassent toute la vie des croyants sur la terre. Cette vie n’est jamais vue sous l’angle individuel seul. D’où l’extrême importance de tout ce que le Seigneur a placé “dans le corps” pour l’édification : afin que, “gardant la vérité dans l’amour, nous croissions en tout jusqu’à lui qui est le chef, le Christ, de qui tout le corps, bien ajusté et lié ensemble par toute jointure qui le soutient, produit, selon l’opération de chaque partie dans sa mesure, la croissance de ce corps pour être lui-même édifié en amour” (Éphésiens 4. 15, 16). Chacune des parties du corps (et chacun de nous en est une) “opère-t-elle” comme elle le doit, et laissons-nous chaque jointure fonctionner librement pour les ajuster, les lier, et apporter partout de la part du Seigneur la substance nourricière ?

L’Assemblée exerçant l’autorité au nom du Seigneur

La sphère d’administration de l’assemblée

L’assemblée comme telle a droit de regard sur les rapports entre les croyants qui la composent : Matthieu 18 nous l’indique comme la plus haute instance sur la terre à laquelle un frère offensé par un autre puisse recourir. Elle ne saurait se désintéresser de la bonne harmonie entre membres du corps de Christ. L’apôtre désirait, au sujet des Philippiens, apprendre qu’ils tenaient ferme dans un même esprit, “combattant ensemble d’une seule âme” ; il aurait eu sa “joie accomplie” de les voir avec un même sentiment, une même pensée, un même amour ; et pour supplier Évodie et Syntyche d’avoir une même pensée dans le Seigneur, il utilise la lettre qu’il écrit à l’assemblée entière (Philippiens 1. 27 ; 2. 2 ; 4. 2, 3).

Plus encore, l’assemblée a droit de regard sur la vie pratique de chacun de ceux qui participent au témoignage collectif. Elle constitue le milieu dans lequel ils doivent croître et fructifier, en paix, dans la joie d’une communion fraternelle. Mais celle-ci est bien fragile, nous le savons, et sans cesse il faut travailler à la rétablir. Confiance fraternelle et contrôle mutuel, sous l’autorité du Seigneur et la soumission à la Parole de Dieu, vont de pair.

Sans doute, l’assemblée en tant que telle n’a aucun rôle dans l’introduction de quelqu’un dans le corps de Christ, contrairement à ce que prétendent certaines églises : on devient membre de ce corps par la nouvelle naissance, œuvre de Dieu par son Esprit et sa Parole.

Elle n’a pas non plus à intervenir, à proprement parler, dans l’entrée dans la profession chrétienne, la grande maison, laquelle se fait par le baptême, quel que soit le mode ou l’époque de son administration. Nous ne trouvons nulle part dans l’Écriture le baptême octroyé par l’Église ou au nom de l’Église, mais par des serviteurs du Seigneur “pour le nom du Père et du Fils et du Saint Esprit”.

Mais l’assemblée a le privilège de reconnaître et de recevoir ceux que “le Christ… a reçus, à la gloire de Dieu” (Romains 15. 7). Elle les accueille à la table du Seigneur, où s’exprime, on ne saurait trop le redire, l’unité du corps de Christ.

Seulement, comme nous l’avons déjà vu mais il faut y revenir, elle a la responsabilité de préserver la sainteté de cette table, et la pureté de la maison de Dieu. Cela pour la gloire du Seigneur comme pour le bien spirituel des siens. Il y a un ordre à maintenir, et ce soin appartient à l’Assemblée. Elle a des décisions à prendre, selon le principe énoncé par le Seigneur Jésus : “En vérité, je vous le dis : Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel” (Matthieu 18. 18).

Cette gestion spirituelle incombe à l’assemblée locale entière, ou, dans la situation actuelle, au groupe de témoins du Seigneur ayant les caractères d’une assemblée de Dieu. Ceux que “l’Esprit Saint… a établis surveillants”, et d’une manière plus générale tous ceux qui ont à cœur les intérêts de Christ dans l’Assemblée, s’en occuperont sans doute avec une application spéciale ; et selon l’ordre invariable établi dans l’Écriture, les frères ont un rôle d’administration que les sœurs n’ont pas à revendiquer ; mais les décisions ne peuvent être prises que par l’assemblée entière, frères et sœurs, celles-ci ayant, le cas échéant, fait connaître leur pensée dans le particulier. Il ne s’agit pas, dans tout ceci, de questions de procédure, ou de formules : le fait capital est que la conscience de l’assemblée soit continuellement éprouvée devant le Seigneur, pour que tout soit fait selon lui, pour lui, en son nom, dans la pleine liberté de l’Esprit.

La réception à la table du Seigneur

Le soin de la gloire du Seigneur doit seul présider à la réception de quelqu’un à la table du Seigneur. On constate qu’il est un enfant de Dieu, ce que démontrent non seulement ses paroles – il reconnaît de sa bouche “Jésus comme Seigneur”, croyant dans son cœur que “Dieu l’a ressuscité d’entre les morts” (Romains 10. 9) – mais aussi sa conduite. On n’exigera nullement une perfection illusoire, mais une marche séparée du mal, dans le jugement de soi-même : pratiquement, une conduite honorable reconnue, et l’absence de tous liens avec des doctrines qui porteraient atteinte à la personne de Christ (2 Jean 9, 10). Ce n’est pas une question de connaissances plus ou moins approfondies, il n’y a pas d’examen à faire subir, mais l’assemblée doit avoir la certitude que le nouveau venu est sain dans la foi et qu’il conforme sa vie à cette foi. Il est à peine besoin de dire que, plus les fausses doctrines se sont multipliées dans la chrétienté, plus il a fallu de vigilance pour recevoir à la table du Seigneur. Que ceux qui pensent rabaisser leurs frères en les qualifiant “d’étroits” veuillent bien considérer que, pour la plupart d’entre eux, c’est avec un grand serrement de cœur, mais avec la conviction absolue de défendre les droits de leur Maître, qu’ils maintiennent la muraille et n’ouvrent pas davantage la porte. Hélas, ils ne les ont pas assez gardées !

La “discipline”

La “discipline” de l’assemblée à l’égard de “ceux de dedans”, comme dit l’apôtre, est aussi indispensable (1 Corinthiens 5. 12). Elle consiste à conseiller, avertir, réprimander si c’est nécessaire, avant d’en arriver, triste obligation, à “juger” (ibid.). Un croyant qui ne pratique pas l’indispensable jugement de lui-même et s’écarte peu à peu du chemin, court à une chute grave, qui entachera non seulement son propre témoignage mais celui de l’assemblée. C’est là que l’amour fraternel doit agir pour “ramener”, couvrant “une multitude de péchés” Jacques 5. 19, 20 ; 1 Pierre 4. 8 ; Galates 6. 1 ; 2 Thessaloniciens 3. 14, 15, etc.. Un esprit humble, attristé par les manquements d’autrui, pratiquant ce lavage des pieds dont Jésus nous a laissé l’exemple, fera plus, bien souvent, que de sévères remontrances. Que Dieu nous multiplie des “pasteurs” et des “surveillants” ayant à la fois la sagesse et l’énergie pour exercer une discipline familiale, intransigeante à l’égard de la faute mais tendre et miséricordieuse envers le défaillant. Mais l’assemblée, et pas seulement tel ou tel frère individuellement, a le devoir de s’occuper de ceux qui “marchent dans le désordre” : elle ne peut le faire sainement si elle n’en mène pas deuil (1 Corinthiens 5), humiliée, prenant comme sien le péché d’un des siens, au lieu de se dresser en justicière. Et si la discipline n’a pas d’effet, si le caractère de “méchant” se manifeste, alors, cessant d’exercer la discipline qui lui incombe, elle doit mettre dehors, où “Dieu juge” (1 Corinthiens 5. 13), celui qui ne s’est pas laissé ramener ; “ôtant le méchant” du milieu d’elle-même, elle se purifie, dans l’humiliation et la douleur. Vis-à-vis de celui dont elle se sépare, elle a en vue sa restauration ; vis-à-vis d’elle-même, elle se juge devant le Seigneur. “Nous avons agi méchamment…”, disait Néhémie (Néhémie 9. 33).

Valeur universelle des décisions d’assemblée

Les décisions d’assemblée, prises sous le regard du Seigneur, sont marquées de son autorité, de sorte que ce qui est fait dans une assemblée locale a valeur pour l’Assemblée entière, c’est-à-dire pour toutes les assemblées locales. De là, entre autres, l’usage des lettres de recommandation par lesquelles une assemblée locale est assurée qu’un nouveau venu, inconnu d’elle, est bien “en communion” dans une autre assemblée, de même qu’un chrétien “en communion” est assuré d’être reçu où qu’il se présente(Romains 16. 1 ; 2 Corinthiens 3. 1).

Les “divisions”

Rien de plus simple, en vérité, que le principe du fonctionnement d’une assemblée fondée sur l’unité du corps de Christ. Son application, par contre, est devenue des plus délicates dans la confusion ecclésiastique actuelle.

Ici s’ouvre de nouveau un sujet profondément douloureux pour toute âme qui aime le Seigneur : c’est celui de la multiplicité des tables dressées en dehors des organisations de la chrétienté. Sans même parler de certaines “dénominations religieuses” qui sont des produits évidents de l’activité humaine, – subtiles contrefaçons du travail de Dieu –, où trouver la table du Seigneur ? Où sera-t-on certain de se rassembler en toute bonne conscience, dans l’obéissance à la Parole de Dieu ?

D’abord, ne nous étonnons pas que Satan se soit acharné contre le témoignage suscité par Dieu au temps de la fin, et qu’il ait réussi, profitant de leur manque de vigilance, à diviser ceux qui étaient sortis hors du camp. Nous avons tous notre part de culpabilité dans cet humiliant état de choses. Nous devons le reconnaître au lieu de prétendre, avec orgueil et découragement à la fois : “ils ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels,­… et nous sommes restés nous seuls…” (Voir 1 Rois 19. 10, 14).

Ensuite demandons au Seigneur le discernement et le zèle nécessaires pour rechercher les “sept mille” qu’il s’est réservés (1 Rois 19. 18), car il “connaît ceux qui sont siens” – tout en nous retirant de l’iniquité, car il ne peut y avoir communion entre les ténèbres et la lumière. Encore une fois, soyons assurés que “le solide fondement de Dieu demeure”, mais qu’il porte toujours le même double sceau (2 Timothée 2. 19).

L’œil spirituel discernera si une “table” peut être ou non considérée comme celle du Seigneur, en examinant les principes qui y sont retenus et en s’enquérant de la façon dont elle a été dressée. Il est du devoir de chacun d’être au clair là-dessus, comme le devoir de toute assemblée est de savoir quelle conduite tenir envers celui qui se présente pour prendre part à la cène.

Prenons le cas où il existe dans une même localité deux tables indépendantes l’une de l’autre. Reconnaître l’une et l’autre, au même titre, comme la table du Seigneur, ce serait refuser délibérément de garder l’unité de l’Esprit, et équivaudrait à nier l’unité du corps. Il est donc indispensable de s’informer exactement. Une telle dualité peut être la conséquence de fausses doctrines dont les croyants fidèles ont dû se purifier. Il peut s’agir, au contraire, d’un schisme sans autre raison que des dissentiments particuliers à propos de cas de discipline. De nouveaux arrivants ont pu à tort dresser “leur table” sans tenir compte de celle qui existait. On ne saurait rester neutre ou indifférent. Ce serait soit montrer une coupable insensibilité à la sainteté du nom du Seigneur, soit s’associer à une action sectaire.

D’autre part, la table du Seigneur ne saurait exister dans un endroit et rester indépendante de celles qui sont dressées en d’autres endroits sur le même terrain. On ne saurait, par exemple, recevoir quelqu’un qui est exclu ailleurs ou refuser quelqu’un qui y est reçu, sans nier par là l’unité du corps.

Une table où les principes du monde, l’autorité et les règlements des hommes se mêlent manifestement à l’action du Saint Esprit, ou encore une table où il est admis que l’on tolère en pleine connaissance de cause le mal non jugé, ne peut être la table du Seigneur.

Est-ce là faire de l’infaillibilité la condition du rassemblement ? Il est clair que non : pourrait-il même être question de se rassembler si tel était le cas ? Il peut y avoir, il y a hélas des défaillances, des faiblesses, des manquements, qui seront pardonnés lorsqu’ils auront été jugés et confessés par l’assemblée elle-même. Refuser de reconnaître une assemblée parce qu’elle a pu montrer des défaillances dans la pratique est contraire à la lettre comme à l’esprit des enseignements de la Parole de Dieu. Si ces manquements ne sont pas jugés, ils pourront amener le Seigneur à intervenir soit pour purifier l’assemblée par de douloureuses épreuves, soit pour “ôter la lampe de son lieu”. Nous risquerions parfois de nous substituer à lui dans le rôle de “celui qui marche au milieu des sept lampes d’or” (Apocalypse 2. 1, 5).

Si donc une décision d’assemblée paraît injustifiée – elle peut l’être – ou si au contraire une assemblée n’a pas pris une décision qui aurait semblé justifiée, il ne faut pas oublier pour autant que : “Tout ce que vous – l’assemblée – lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel” (Matthieu 18. 18). Aussi est-il douloureux de voir si souvent critiquer, non sans légèreté ou présomption, une décision ou un manque de décision d’assemblée. Mais l’autorité souveraine de Christ, elle, est intangible. Et son amour ne change pas. C’est à lui qu’il faut regarder si quelque chose paraît ne pas avoir été fait selon lui, pour qu’il intervienne ; c’est à lui qu’il faut être soumis, avec la confiance absolue qu’il sauvegardera la gloire de son nom. Lui-même saura placer devant des frères d’autres assemblées, ou même devant d’autres assemblées, le devoir de faire éventuellement des démarches devenues nécessaires. Mais il faut que celles-ci soient faites de sa part, ce que montrera la façon dont elles seront présentées : est-ce dans l’amour vrai, avec le souci du maintien ou du rétablissement d’une communion dont la perte serait ressentie comme une affliction profonde ? La charité patiente saura attendre que le Seigneur produise avec évidence ce qui est à juger, et amène l’assemblée à le juger.

Mais le cas est tout autre quand une assemblée accepte par principe, et non par suite d’un égarement occasionnel, de tolérer le mal – moral ou doctrinal, le second plus néfaste – en laissant à chacun sa responsabilité sans considérer la sienne comme engagée, ou en ne se sentant nullement engagée par l’action d’une autre assemblée. Dans de tels cas, la notion même de l’unité du corps est détruite, les droits du Seigneur sont méprisés, et, comme il a été dit plus haut, une telle assemblée ne pourrait plus être reconnue comme une assemblée de Dieu.